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Cécile Dostie – Le passé participe

Lettre publiée dans La Presse du jeudi 20 avril 2023 sur la réforme du participe passé.

Le passé participe

CÉCILE DOSTIE
GRAND-MÈRE ET AUTEURE DU RÉCIT UNE MARCHE INCERTAINE (ÉDITIONS AU CARRÉ)

Ma mère avait terminé sa 7e année, pas une de plus. C’était dans les années 30. Je n’ai jamais su la cause précise de ses difficultés scolaires. Cela restait nébuleux quand elle nous en parlait. Aujourd’hui, on aurait certainement accolé quelques lettres à son trouble. N’empêche, elle écrivait sans fautes.

Le récent débat sur la simplification de l’accord du participe passé m’a rappelé comment elle tenait à ce que nous nous appliquions quand venait le temps d’écrire. Combien de fois elle nous a répété : « Les si n’aiment pas les rais ou tout ce qui mérite d’être fait mérite d’être bien fait. »

Ces jours-ci, des voix s’élèvent, à gauche et à droite : « Les règles sont compliquées, c’est mélangeant ou ça date d’il y a 400 ans. Ça ne fait pas de sens ! » Ce serait même déconnecté de la réalité des jeunes d’aujourd’hui. Enfin une bonne nouvelle, je pense aussi que les jeunes sont un peu trop connectés.

Mais voilà qu’en Côte d’Ivoire, on a plutôt choisi de dépoussiérer la dictée : « Nos enfants sont intelligents, il faut leur apprendre qu’il est important de savoir écrire et c’est un exercice qui aujourd’hui donne ses fruits. C’est une activité phare pour madame la ministre de l’Éducation nationale et de l’Alphabétisation [Mariatou Koné] dont la vision est de faire en sorte que la dictée soit vue comme un instrument d’apprentissage efficace », a noté l’inspecteur général responsable de l’administration et de la vie scolaire, Faustin Koffi.

L’amour du mot juste et la fierté du travail accompli n’ont pas de frontières. La petite Douflé Nizié Anne Penuel, 10 ans, finaliste pour la Côte d’Ivoire : « Parfois j’ai eu quelques difficultés, mais aujourd’hui j’ai relevé mon niveau et je suis contente. Je me sens heureuse et je me sens en joie de représenter mon pays.1 »

Nivellement par le bas

Je ne suis pas une nostalgique de la dictée ni d’autres méthodes d’apprentissage, je m’intéresse davantage aux résultats qu’à la manière de les obtenir. Et s’il nous faut des approches plus innovantes, qu’à cela ne tienne, tant qu’on ne fait pas les choses uniquement pour les rendre plus faciles. Je me méfie davantage du nivellement par le bas que des efforts à consentir pour maîtriser les subtilités de notre langue commune. Je serais vraiment déçue si nos jeunes se trouvaient les seuls de la francophonie pour qui l’accord des participes passés représente un trop grand défi.

Heureusement, le passé participe encore du présent. Le 21 mai prochain, 80 jeunes des cinquième et sixième année du primaire se rencontreront à Montréal pour célébrer la langue française, le temps d’une dictée. Bénin, Maroc, Burundi, Cameroun, République démocratique du Congo, Sénégal, Côte d’Ivoire, Guinée, Haïti, Rwanda, Mali, Togo, Burkina Faso, États-Unis et Canada participeront à la Grande finale internationale de La Dictée P. G. L. sur le thème « Cultivons un monde juste et égalitaire ».

J’y serai aussi, avec l’une de mes petites-filles qui compte parmi les finalistes. Maman nous a quittés il y a longtemps, mais je me réjouirai pour deux en pensant à la joie qu’elle aurait eue de la connaître.

1. Regardez le témoignage de Douflé Nizié Anne Penuel

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